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Vie des Mots
30 novembre 2010

Paradigme


       Paradigme est un mot savant qui s'efforce d'entrer dans le vocabulaire courant. Savoir ce qu'il signifie est cependant de moins en moins aisé.
       Les grammairiens y firent appel pour désigner les modèles de conjugaison et de déclinaison. En français on apprend la première conjugaison avec chanter, ou avec aimer ; en latin on décline rosa, rosa, rosam... Un paradigme, en ce sens, est simplement un exemple servant de modèle.
       Assez récemment des philosophes ont attaché le mot à l'idée que les savants font progresser leur discipline à l'intérieur d'un certain cadre de pensée fait de concepts majeurs, de principes, de méthodes de recherche bien établies. Un modèle illustre sert alors de référence, par exemple la découverte par Newton de la gravitation universelle ; mais c'est le cadre de pensée lui-même, plutôt que le modèle, qui est alors appelé paradigme. Il arrive qu'une science, ayant épuisé les vertus d'un modèle, soit conduite à changer le « paradigme » qui organise ses travaux. Cette notion épistémologique est évidemment moins nette, moins précise que celle des grammairiens.
      À partir de là, le mot a été employé très librement par moult penseurs et commentateurs dans les domaines du politique, du social ou de l'économique. Il sert à exprimer une plus ou moins vague idée de manière de concevoir les choses, pourvu qu'elle ait quelque valeur de référence et généralement avec le sous-entendu qu'il est envisageable d'en changer. On parlera du paradigme du capitalisme fordien ou, tout aussi bien, de celui de la filiation patrilinéaire. Incontestablement la présence du mot donne du poids au propos.

 

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23 novembre 2010

Formes interrogatives


       Ministres, journalistes et autres personnages importants ne sont pas les derniers à pratiquer les formes interrogatives avachies, celles où l'on se dispense d'inverser verbe et complément. Vous faites quoi, en place de Que faites-vous, est censé rapprocher du bon peuple. Le concours est ouvert.
       On ne peut nier que C'est quoi présente l'avantage d'éviter la lourde contorsion Qu'est-ce que c'est qui d'ailleurs, à la réflexion, a des airs de plaisanterie. En élégance et vivacité, c'est tout de même Qu'est-ce qui l'emporte.

 

17 novembre 2010

ch


       Le H peine à remplir ses fonctions de factotum de notre alphabet. Après un C, son effet est évident pour les mots considérés comme français : chat, torche, Chine. Parmi les mots dont l'origine étrangère reste perceptible, certains relèvent du même chuintement (chah, schnaps, patch), tandis que d'autres traînent, sous ce rapport, une touche d'exotisme (chianti, Che Guevara). On connaît aussi les francisations en k destinées à éviter à nos palets la germanique guturalisation (Bach, Cranach).
      Un embarras maxime provient des mots d'origine grecque. La lettre que nous appelons chi se disait-elle ki, comme nous l'apprenons de nos maîtres, ou à peu près comme le chi de chinois ? Malgré tout le respect dû aux bons maîtres, qu'il soit permis de faire valoir que le son k est rendu en grec par une autre lettre, appelée kappa, qui n'est autre que K. Espèrerait-on nous faire croire que les Hellènes utilisaient deux consonnes pour un même son ? Quoi qu'il en fût, si désormais certains CH venus du chi grec se prononcent effectivement k (chronomètre, chlore, chiromancie, charisme), c'est loin d'être vrai pour tous : chirurgie, architecte et quelques autres font bande à part, et seuls les caprices de l'usage président à ce schisme. Les chimistes eux-mêmes prononcent chiral durement (kiral) et l'on sait comment les monarques prononcent monarchie. Cette anarchie n'a-t-elle pas quelque air de chaos ?

 

10 novembre 2010

Exponentiel


    L'expression « croître de façon exponentielle » suggère une évolution rapide, puissante, irrésistible. Or cette association d'idées demande à être modulée.
    L'adjectif exponentiel renvoie au nom exposant pris en son sens arithmétique. Dans l'écriture d'une puissance comme 23, 2 est la base et 3 est l'exposant ; ce symbolisme est l'abréviation de 2 2 2 (ce qui vaut huit). De même 24 est-il l'abréviation de 2 2 2 2, c'est-à-dire de deux fois plus (seize). La variation exponentielle, par définition, est ce que l'on produit en fixant la base et en faisant croître l'exposant ; dans le fond, cela signifie simplement que l'on multiplie sans fin par 2 : 21, 22, 23, 24, 25... valent respectivement 2, 4, 8, 16, 32... La rapidité et la vigueur de la progression sont bien perceptibles.
    Placer ses sous à 2 % par an ne produit hélas pas un doublement annuel du capital. Il n'en reste pas moins que la croissance de ce dernier suit alors une loi authentiquement exponentielle. La base n'en est pas 2, comme précédemment, mais seulement 1,02 : on multiplie chaque année le capital par 1,02. L'épargnant très patient verra son capital doubler en trente-six ans, quadrupler en soixante-douze ans, et ainsi de suite. Dans ce cas, ce n'est pas tant la vigueur que la rapidité qui fait défaut.

 

3 novembre 2010

Maximum, minimum, extrémum


      Pris tels quels au latin, « maximum » et « minimum » ne sont francisés que par la prononciation de l'U (maximom' et non plus maximoum'). L'histoire a consacré ces formes avec, par exemple, le maximum des prix que la Convention Nationale tenta d'instaurer. Les sciences en font usage : lors de ses variations, une grandeur peut passer par des maximums et des minimums, indifféremment regroupés sous l'appellation d'extrémums. Bien que « maximum » et « minimum » servent aussi couramment d'adjectifs (le salaire minimum), ce sont « maximal » et « minimal » qui entendent tenir ce rôle : une hauteur maximale, c'est la plus grande que l'on sache atteindre en sautant, ou bien que l'on ait le droit de donner à un immeuble.
      Les deux mots latins ont pris aussi des formes francisées. On connaît les maximes, ces pensées sur lesquelles on règle ses actions. Du prénom Maxime, on nous dit qu'il est épicène, comme le sont Claude et Dominique, c'est-à-dire aussi bien féminin que masculin ; et, de fait, il y eut une sainte Maxime puisque Sainte-Maxime il y a. Le catholicisme, par ailleurs, compta parmi ses ordres religieux celui des humbles Minimes. Comme adjectif, minime est voisin de minimal (une perte minime) ; est minime ce qui est très petit, est minimal ce qui est le plus petit possible. Par analogie avec le couple minimal / minime, une place reste disponible, à côté de « maximal », pour un adjectif « maxime » ; Rome elle-même nous y invite, avec son Cirque Maxime.
      Pour sa part, « extrémum » a subi une francisation plus poussée que ses compères, ne se limitant pas à la prononciation et à l'éventuel accent aigu : « extrême » est nom (d'un extrême à un autre) et adjectif (une chaleur extrême). C'est pour cela que, si « extrémal » existe aussi, il est de peu d'utilité ; et aussi que le savant « extrémum », s'il est nom, n'est jamais adjectif.

 

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