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Vie des Mots
27 février 2009

Les noms étrangers


      La francisation des noms étrangers allait de soi au temps de la splendeur des Rois Très Chrétiens : les formes Turin, Titien et même Jean Képler en sont des témoignages. Avec la bizarre prononciation anglaise, on ne se donnait pas de gants : Buckingam était Bouquincan.
      Les choses ayant changé, on respecte mieux les prénoms : Dennis, Javier et Tony deviennent rarement Denis, Xavier et Tonio. On met d'ailleurs son point d'honneur à montrer que l'on sait prononcer toutes les langues, et pas seulement celle de Shakespeare reconvertie en langue de Wall Street. Sur nos radios cultivées, on se pique de gutturaliser juste : Bach, Hamas, Charm-el-Cheikh. Ce sont là autant de marques de politesse à l'égard des étrangers, bienvenues à ce titre.



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16 février 2009

Athéna aux yeux pers


      On parle d'Athéna aux yeux pers, mais jamais de Minerve aux yeux pers. Comment sait-on, d'abord, qu'Athéna a les yeux pers ? Pers, c'est-à-dire d'un bleu sombre et tirant vers le vert, à ce que l'on dit. Les dictionnaires nous apprennent que ce mot vient de « persan ». Il qualifierait un certain bleu, comme il y a aussi un bleu de Prusse. Pourquoi Athéna n'aurait-elle donc pas les yeux prus ? Et surtout, que viennent faire les Persans à propos des yeux d'une déesse née bien avant leur première chabanou ?
      Les érudits nous aident. Athéna est dite glaucopide dans les textes grecs. De glaucos et d'ops. La seconde racine désigne les yeux en tant que regardant ; mais que signifie la première ? C'est là que quelque chose se noue. Glaucon est un des mots qui désignent la mer, à côté de thalassa. Le propre de glaucon est de l'évoquer dans son aspect coloré. Comme la changeante mer, le mot a pris deux sens différents : il peut vouloir dire brillant, mais également bleu-vert sombre. Ce deuxième sens est passé dans notre adjectif « glauque » qui évoque bien le côté sombre, un peu inquiétant de la mer. En grec, ce n'est que l'un de ses sens.
      Plongens-nous dans la mer des mots grecs. On y trouve aussi le nom glaux, qui désigne, étrangement, l'oiseau d'Athéna : la chouette. L'explication, en fait, part de là. Athéna est dite par Homère « aux yeux de chouette » parce que cet animal, voyant la nuit, perce les ténèbre de son regard. Or l'esprit d'Athéna en perce des ténèbres. C'est donc très compréhensiblement qu'elle fut qualifiée de glaucopide, de clairvoyante. L'adjectif utilisé, glaucos, faisait allusion aux yeux de l'animal parce qu'il leur était attribué d'être brillants, comme la mer sous le soleil, et que cette brillance était censée expliquer leur vertu nocturne. Héra, semblablement, est dite aux yeux de génisse, par allusion à leur douceur.
      Il faut croire que quelque traduction fit basculer de brillant à bleu-vert le sens attribué au glaucos présent dans « glaucopide ». Athéna devint ainsi une déesse aux yeux bleus. Mais pas n'importe quel bleu : un de ceux qui devaient être à la mode à l'époque de la traduction : un bleu de Perse, disait-on sans doute. Le mal était fait ; on n'y vit plus clair du tout. Le traducteur, faut-il croire, était bien puissant pour influencer toute l'Europe et tous ses humanistes. La bonne déesse n'aurait-elle pas eu des ennemis bien en place ? Sa clairvoyance ne faisait-elle pas de l'ombre à quelque autre dieu ?
      Minerve, de son côté, ne pouvait être glaucopide parce que ce jeu de mot est intraduisible en latin. Voilà pourquoi elle n'a pas les yeux pers.


 
6 février 2009

Biscotte et triscotte

 
      Les jeunes générations seront peut-être surprises d'apprendre que le biscuit n'est pas, dans son principe, un petit gâteau sec plus ou moins sucré, ou du moins pas tout à fait. À voir les rayonnages des magasins, il y aurait les biscuits, sucrés par nature, et les biscuits salés, exceptions destinées sans doute à confirmer la règle. Mais l'essentiel n'est pas là.
      Le biscuit, dans son principe, est ce qui a subi deux cuissons : bis-cuit. C'est le cas des produits qui viennent d'être évoqués. Pour les marins et les soldats d'antan, le biscuit était la portion de nourriture à conservation assurée ; car telle est la vertu principale de cette recuisson. Et c'est pourquoi « biscuit » désigne également un genre de statuette de salon en porcelaine, très prisé au XVIIIe siècle.
      On connaît d'ailleurs la biscotte, tranche de pain dont il devrait être permis de dire qu'elle a été biscuite. Une firme portée à l'innovation, source de toute richesse moderne paraît-il, avait aussi inventé la triscotte. Il semble qu'il faille parler d'elle au passé car on se plaint sur la Toile de ce qu'elle aurait disparu. Était-elle véritablement tercuite ? Admettons-le et concentrons-nous sur le '' s '' inclus dans le mot. Selon l'étymologie, il n'est pas le bienvenu : on dit triangle et non trisangle. Mais qui aurait aimé manger de la tricotte ou de la tercotte, hormis quelques latinistes fanatiques ? En se modelant sur « biscotte », l'astucieux « triscotte », imposait l'idée que la triscotte, c'était de la biscotte en mieux.
      Dans la course à l'innovation et à la conquête des marchés, pourquoi d'ailleurs s'arrêter à trois ? Ne prônons pas la poursuite fastidieuse de l'escalade (quadriscotte, etc.) ; évitons aussi l'ennuyeuse platitude de « pluriscotte ». Inspirons-nous plutôt de l'heureuse mode qui, ces dernières années, a sorti « perdurer » du fin fond des dictionnaires. Au-delà du biscuit, le percuit ! À quand la perscotte, biscotte en mieux encore ?


 
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