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Vie des Mots
16 février 2014

Contre-espionnage

 

     Des puissances étrangères auraient entrepris, à ce qu'il se dit, de nous espionner sous toutes les coutures. On conçoit que d'aucuns, en légitime défense, voire par pulsion de rétorsion (que l'on espère exempte de toute xénomisie), puissent chercher l’aide des lettres et des mots dans l’établissement de leur ordre ou désordre de bataille.
    Il est à craindre que les ordinateurs ne finissent toujours par venir à bout des procédés mécaniques de protection, tant stéganographiques que cryptographiques. Dans ce domaine le commun des mortels peut au mieux multiplier les petits jeux d'apparence, telle con cas sage. Considérons plutôt la nécessité que la machine passe la main à des humains pour ce qui est d'établir véritablement le sens et d'extraire des informations sûres. Afin de leur mâcher le travail au mieux, elle peut aller jusqu'à pourchasser les ambigüités. Dans « si nécessaire soit-il de prévenir des coups d'État ou, du moins, de les jauger, vouloir tout contrôler débouche sur la déception » un logiciel repèrera aisément trois termes ou expressions notoirement équivoques, de sorte que 2 2 2 combinaisons permettent déjà de proposer huit sens pour la phrase. Le neuvième et le dixième (sans parler de l'onzième) ne donneront pas moins de fil à retordre aux analystes. Plutôt que s'en prendre aux ordinateurs, ne serait-il donc pas plus efficace et plus amusant de viser directement l'intellect et le moral de ces espions, de travailler à peroccuper leurs samanches et à leur sublimer le ciboulot ?
     Différent du chiffrage, qui opère sur les lettres, est le codage. Un mot pour un autre ou une phrase pour une autre, selon une décision préalable et arbitraire, est une pratique éprouvée : messages de Radio-Londres, vers obscurs de poètes mystérieux, recettes de cuisine saugrenues, etc. De tout temps, d'ailleurs, l'argot, et pas seulement celui des malandrins, eut pour fin de n'être compris que de peu. Si la langue, dans son usage courant, peut certes s'en inspirer, il serait dommage de s'en contenter, car, pour ce qui est de perturber et d'enrager les indiscrets, ses vertus contorsionnistes ne demandent qu'à se déployer ; chacun connaît toutes sortes de procédés et de manières, qu’il suffit de cultiver en foule. L'intelligence suffisant aux glaucopides pour entendre, il est loisible de renouveler sans fin l'art universel de l'allusion ; de fournir de faux nombres par millions et par billions ; de pratiquer ellipses, paraboles et hyperboles ; ou, plus subtilement encore, de farfouiller dans le trésor des antiques et vénérables lettres guerrières. Xénomanes n'a-t-il pas dit on ne peut mieux ce qu'andouilles sont ?

 

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