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Vie des Mots
15 février 2012

Tout(e(s))


     À propos de « tout » (mais pas de tout) règne une confusion qui ne fait pas honneur au français. Si l'usage du nom et de l'adjectif qualificatif est bien réglé grammaticalement, celui de l'adverbe donne lieu à une faute aussi inexcusable qu'officialisée.
    L'adjectif, accompagnant un nom en principe, marque le genre et le nombre par ses variations de forme : tout véhicule, toute institution, tous les animaux, toutes les sensations. Quant au sens, il équivaut à chaque. Même employé au singulier, il fait référence à une collection, en ensemble au sens mathématique du terme : chacun des véhicules... La précision qu'il apporte est franchement quantitative.
     L'adverbe, de son côté, est plus qualitatif. Il porte généralement sur un adjectif (ou un autre adverbe : tout doucement) et fait plutôt référence à une complétude : dans tout naturel ou dans tout entier, tout signifie complètement, intégralement, par opposition à partiellement, presque. En tant qu'adverbe, tout se doit d'être invariable, et il l'est effectivement dans la majorité des cas : tout entier, tout entière, tout entiers, tout entières. Toutefois il ne l'est pas au féminin devant une consonne : si tout beau donne lieu comme il se doit à tout beaux, on dit et l'on écrit toute belle et toutes belles.
    Les maîtres qui tentent de justifier cette exception avancent l'argument de l'euphonie. Comme on entend le T de la liaison dans tout entière, il serait bon de l'entendre dans tout belle, ce pourquoi l'on ajoute le E : toute belle. Or l'argument, bien discutable tel quel, s'effondre dans le cas du pluriel : dans toutes belles, le S ne concerne en rien la prononciation. Il constitue un aveu ; ce S est là comme marque du pluriel, en contradiction flagrante avec le principe d'invariabilité des adverbes. Du coup, le E se révèle être là comme marque du féminin et non pour des raisons d'euphonie.
    Il faut savoir reconnaître qu'un usage fautif s'est installé, et que la faute se voit redoublée par les tentatives de lui trouver des excuses. En fait elle n'en a aucune. On devrait, on doit dire et écrire tout belle et tout belles, comme il se fait pour tout entière et tout entières. Il n'y a rien de laid à ne pas prononcer le T devant une consonne, bien au contraire. Et l'on doit surtout refuser son respect aux arguments qui ne le méritent pas. « Mon bonnet, oui ; mon respect, non. »

 

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