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Vie des Mots
25 avril 2009

Bouffodrome


       Lorsque le fast-food états-unien débarqua et nous libéra de notre lenteur, les commissions de terminologie produisirent la traduction que l'on pouvait attendre d'elles, une traduction qui leur ressemble, bien basse de plafond. Puisque « fast » et « food » signifient rapide et nourriture, allons-y pour « restauration rapide »...
    Or on ne peut pas dire que l'expression évoque merveilleusement l'industrialisation et la dynamisation de l'acte de se nourrir. Rien à voir avec fast-food, qui est l'image même de la pratique Amérique entraînant le monde vers une globalité joyeuse. Et quelle balourdise quand il s'agit de développer une famille de mots ! Irai-je me restaurer rapidement ? Dînerons-nous dans un restaurant rapide ? Êtes-vous amateur de restauration rapide ?
     Les partisans de « bouffodrome » sont peut-être des drôlins et leur proposition ne risque pas de faire tache d'huile dans nos textes législatifs. Mais au moins dispose-t-on là de bouffodromie, bouffodromique, bouffodromal, bouffodromisant, bouffodromer, bouffodromeux, bouffodromaire,  bouffodrophile, bouffodromise, bouffodroméraste e tutti quanti.

 

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13 avril 2009

Collapse


      En anglais le nom et le verbe « collapse » expriment l'idée d'effondrement. L'origine en est le latin « collapsus », qui a ce sens, marqué par l'idée d'affaissement. Et en tant qu'anglicisme, disent certains de nos dictionnaires, « collapse » désigne une mauvaise tournure que peut prendre le séchage du bois. La Faculté préfère « collapsus » pour nommer un type d'effondrement physiologique. Il n'est pas mauvais, en effet, que la langue médicale conserve des formes latines, qui sont autant de preuves d'un savoir rassurant.
      Ces emplois ont quelque chose d'étrangement timide car, même si le français dispose déjà du mot « effondrement », le langage le plus courant peut avoir besoin de doubler ce dernier par un mot qui exprime une variété ou une nuance, que l'on réserve le nouveau à ce qui se produit à l'intérieur, comme dans le cas du bois et de l'organisme, ou qu'il serve à distinguer les effondrements spontanés de ceux que l'homme provoque, ou pour toute autre raison. Le cas échéant, le latin « collapsus » fournirait « collapse », aussi naturellement que « templum » a donné « temple ».
      Messieurs les Anglais ayant procédé les premiers à cette adaptation, nous leurs reconnaîtrions de bonne grâce l'antériorité. L'emploi de « collapse » dans notre langue, malgré sa véritable origine, pourrait ainsi continuer de passer pour un anglicisme. Il est le bienvenu comme tel puisqu'il rejoint tous ceux qui enrichissent le français dans le respect de ses sonorités, comme l'ont fait « paquebot » et « addiction ». Comme ce dernier, « collapse » entrerait, plus précisément, dans la catégorie des faux anglicismes, laquelle voisine la catégorie latine des faux imparisyllabiques au catalogue des ruses de la grammaire.
      En dépit des protestations à attendre de la part des étymologues, le nom « collapse » s'accompagnerait bien sûr du verbe « collapser » : « telle banque a collapsé » a quelque chose de plus propre que « la banque s'est effondrée », qui évoque un peu trop poussières insanes et gravats vulgaires.

 

2 avril 2009

L'apostrophe


      L'apostrophe, jolie virgule volante a-t-on dit, a pour fonction principale et première de marquer l'élision : « l'élision », justement, pour éviter le déplaisant hiatus de « la élision » ; ou bien, comme avec « manif' », pour faire bref. Les règles de son emploi connaissent des exceptions : « l'un, l'une » se disent et s'écrivent « le un » lorsque l'on parle du nombre et « la une » pour les journaux. Il s'observe aussi d'étrange hésitations collectives : on dit assez systématiquement « la onzième heure », mais sans bonne raison en vérité. La preuve en est que c'est « près d'onze heures » qu'on a des chances de rencontrer Edmond Teste près de la Madeleine.
      À côté des négligences courantes telles que « manif », on subit de véritables privations d'apostrophe, aux justifications bien discutables. Sur les affiches se donnent à lire des tournures telles que « un film de Éric Untel ». L'absence d'élision est normale en cas de passage à la ligne : un film de Éric Untel. On peut aussi concevoir une intention de marquer une césure, de faire valoir le nom en le dégageant par une suspension : écrire « un film de Éric Untel » correspond presque à l'élocution « un film de... Éric Untel ». Mais ne faut-il pas craindre qu'autre chose ne soit en train de s'insinuer là, sous prétexte d'on ne sait quel respect des noms propres ? Va-t-on en venir à écrire « les Propos de Alain », « le théorème de Alembert » ? D'une manière incontestable en tout cas, on observe l'expansion d'une grossière erreur : des graphies telles que « va-t'il » se mettent à pulluler. Plus courante est d'ailleurs la variante « va t'il », qui laisse soupçonner une confusion avec « va t'en ». On savait que je est un autre et voilà que tu n'est plus celui que l'on croyait !
      L'apostrophe peut être négligée sans inconvénient dans les abréviations les plus familières : dans un mail ou sur un blog, un prof ne dérogerait pas pour avoir écrit « manif ». Dans certains cas elle est pourtant bien nécessaire : si on l'omet pour « un néocons', des néocons' », le lecteur risque d'oublier de prononcer le « s », surtout au pluriel. Or « des néocons » a des allures d'injure : on a l'air de dire « des néoc... ». Plus que nécessaire enfin, l'apostrophe est absolument indispensable, pour les raisons que l'on sait, en tête de « 'Pataphysique ». Et, les choses étant ce qu'elles sont, quels mots reste-il pour qualifier celle de « 'Pataphynance » ?


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