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Vie des Mots
25 octobre 2008

Professeuse et causeuse


      Alors que « sénatrice » et « directrice » invitent hautement « auteur » à donner « autrice », il est des métiers non dépourvus de prestige pour lesquels on hésite à marquer la féminité : on lit et entend « professeure », « chercheure », « procureure ». Rigoureusement rien, pourtant, ne fait empêchement à « professeuse », ni à « procureuse » ; d'ailleurs « chercheuse » n'est pas rare. Il n'échappe à nul regard attentif que l'on n'a pas de pareilles pudeurs avec « mangeuse »,« buveuse », « fumeuse » ou « causeuse » ; ni avec « voleuse ».
      Il est d'autres états pour lesquels il n'est même pas prévu un « e » final. S'il en était besoin – plût aux dieux, etc. – il n'y aurait pas à se priver d' « assassine », ni d' « escroque ».



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11 octobre 2008

Déception


      À côté de l'usage ordinaire de « déception », il en est un qui confine au jargon des stratèges et du Renseignement : le mot y est à peu près synonyme de « tromperie ». Dans cet emploi, c'est un anglicisme, mais un faux, et qui, en dépit de cette qualité, et malgré qu'il ait pour lui une certaine logique, est à rejeter.
       Le verbe latin « decipere », auquel nous devons « décevoir » et « déception », signifiait tromper. Son sens s'est affaibli en français, mais l'anglais l'a maintenu dans « to deceive » et « deception ». Stratèges et espions anglophones ne pouvaient pas ne pas les employer d'abondance. Lors de la Seconde Guerre mondiale, certains Français ramenèrent ce sens perdu de « déception». On le trouve, par exemple, sous la plume de Pierre Nord, dans L'Intoxication, livre qui narre les tromperies de très haut vol de la première moitié du XXe siècle.
      Des spécialistes de la chose militaire et de ses à-côtés tiennent à employer « déception » dans le sens anglais, en essayant de faire valoir qu'il ne désignerait pas tout à fait la même chose que ce bon vieux « tromperie ». Et d'exhiber de pesantes définitions. À d'autres ! Le vernis scientifique ne parvient pas à masquer, en l'occurrence, certaine inféodation mentale.
      Si au moins il était vrai que « tromperie » ne suffît pas pour une expression exacte, ce qui ne peut pas être entièrement exclu, alors faudrait-il y aller franchement. « Décevoir » devrait recevoir un sens supplémentaire, voisin de celui de « tromper ». On voit bien qu'un tel retour aux origines latines, malgré toute la logique qu'y trouveraient les passionnés d'étymologie, ne serait pas praticable.


 
5 octobre 2008

Agente


      Qui osera le premier, ou la première, s'adresser à une policière en tenue (à un policier-femme ? lamentable !) en lui donnant du « Madame l'Agente » ? Il, ou elle, nous racontera.
      Et pourtant médecins et médecines | Reprenons | Et pourtant toubibs et toubibes ont des patients et des patientes. Le patient étant à l'agent ce que la passion est à l'action, à la patiente doit correspondre très analogiquement l'agente.
      Voici une stratégie qui pourrait être appliquée pour pouvoir en venir à dire « Madame l'agente » en toute quiétude. Commençons par d'autres agentes. Il en est dans l'immobilier et dans le matrimonial, qui ne manqueront pas de s'en amuser ; il en est aussi de nombreuses dans la fonction publique et dans les services publics, qui apprécieront sûrement. Imposons partout « agente » jusqu'à ce que les agentes de police, entièrement circonvenues, le demandent d'elles-mêmes.


 
1 octobre 2008

Idéosyncrasie


      Le mot « idéologie » fut vite détourné de son sens propre et il en souffre. Tentons quelque chose pour le sortir de cet état pitoyable.
      Des philosophes français, vers la fin du XVIIIe siècle, avaient entrepris de pousser l'étude de l'esprit humain et de son fonctionnement. Estimant que l'idée est la forme élémentaire de la pensée, ils avaient fort logiquement appelé leur discipline « idéologie ». Les plus connus de ces Idéologues sont, après leur inspirateur Condillac, Volney et Destutt de Tracy.
      Le mot fut repris en Allemagne et en vint à désigner, notamment avec Karl Marx, les conceptions d'ensemble à travers lesquelles une société ou une classe voit le monde et y oriente son action. Puis le sens s'est affaibli et chargé de quelque opprobe : on aime opposer le pragmatisme du patronat et des gouvernants à l'idéologie des syndicats et des opposants.
      Or étudier les idées était une belle idée, et il n'y a plus de mot pour désigner cela. Le plus approprié étant incontestablement « idéologie », il faut le rendre à son sens premier, quoi qu'on dise. Pour désigner les conceptions collectives, qu'elles soient politiques, économiques, religieuses ou autres, lesquelles ne méritent en rien la terminaison « logie » puisque ce ne sont pas des études, on n'a qu'à se rabattre sur « idéosyncrasie », inspiré de «idiosyncrasie ». Ce mot-ci désigne, pour un individu (idios), l'ensemble (syn) de ce qui entre dans sa constitution (crasie). On pourrait dire que la syncrasie, c'est le rassemblement des éléments constituants, ce que n'est pas la logie.


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