À côté
de l'usage ordinaire de « déception »,
il en est un qui confine au jargon des stratèges et du
Renseignement : le mot y est à peu près synonyme de
« tromperie ».
Dans cet emploi, c'est un anglicisme, mais un faux, et qui, en dépit
de cette qualité, et malgré qu'il ait pour lui une
certaine logique, est à rejeter.
Le verbe latin
« decipere »,
auquel nous devons « décevoir »
et « déception »,
signifiait tromper.
Son sens s'est affaibli en français, mais l'anglais l'a maintenu dans « to
deceive »
et « deception ».
Stratèges et espions anglophones ne pouvaient pas ne pas les
employer d'abondance. Lors de la Seconde Guerre mondiale, certains
Français ramenèrent ce sens perdu de « déception».
On le trouve, par exemple, sous la plume de Pierre Nord, dans
L'Intoxication,
livre qui narre les tromperies de très haut vol de la première
moitié du XXe
siècle.
Des spécialistes de la chose militaire et de ses à-côtés
tiennent à employer « déception »
dans le sens anglais, en essayant de faire valoir qu'il ne désignerait
pas tout à fait la même chose que ce bon vieux
« tromperie ».
Et d'exhiber de pesantes définitions. À d'autres ! Le
vernis scientifique ne parvient pas à masquer, en
l'occurrence, certaine inféodation mentale.
Si au moins il
était vrai que « tromperie » ne suffît pas pour une expression exacte, ce qui ne peut pas
être entièrement exclu, alors faudrait-il y aller
franchement. « Décevoir »
devrait recevoir un sens supplémentaire, voisin de celui de
« tromper ».
On voit bien qu'un tel retour aux origines latines, malgré
toute la logique qu'y trouveraient les passionnés
d'étymologie, ne serait pas praticable.